Octobre touche à sa fin
On est à Hambourg un vendredi soir
Une dame traîne sous le crachin son chien
Comme un boulet d'espoir
Dans un râle un homme court, s'emballe et se ramasse
Un vent souffle fort, sourd aux tourments
Des parapluies qui lui font face
Un lampadaire faiblard danse étrangement

Je ments, je me ments même se dit Sally
Je ne frôle même pas le bonheur du bout du regard
Le bonheur en même temps s'en est-il senti sali?
Lorsque je l'ai dit ennuyeux comme un mauvais rancard
Enfin bref,
Revenons en à notre automnale histoire
De zef
De zef et de déboires

Boire un verre de trop, l'homme est à nouveau debout
Il part au bar, étancher sa soif, détrempé
Assécher son égo, il veut briser les tabous
Il est tard, il est saoul, encore une lampée
La dame a la tête en avant contre les éléments
Toujours lutter, le chien suit, esclave
Le dos courbé sous le poid du temps
Toujours lutter, le chien suit, brave

Bravo se dit Sally dans le satin de son lit
Elle se perd dans ses pensées
C'en est assez se dit-elle de me voir telle la lie
De ce monde insensé
Passé, le présent revient là devant
Machinalement sans que le temps ne s'en lasse
C'est là que se levant,
Nonchalament, sort voir ce monde qui l'embarasse

Embarrassée, la dame semble parler à son toutou
Pendant que celui-ci tremble en lâchant son paquet
Fautive, elle jette un regard tout autour
Furtive, elle décampe tirant sur le cou de son biquet
Pas de chance, notre pochard
Dans sa tituberrance marche presque droit
Vers ce cadeau de trottoir
Qui n'est même pas encore froid

Froid est le sol et sombre est la nuit
Salement seule, voir même un peu folle
Se sent Sally les pieds nus sous la pluie
Mais elle sourit, on la croirait frivole
Habillée comme elle l'est, légère
Elle sautille presque joyeuse
Elle s'approche du lampadaire
L'accompagne dans sa danse merveilleuse

Merveilleuse cette soirée,
Le vent, la pluie, la chute
Le bar, l'alcool et puis marbré
Le pied gauche dans la chance chut!
La dame a disparue
Mais son chien renifle encore au coin
De cette petite rue
Elle ne voit pas le malchanceux au loin

Lointains souvenirs d'enfance,
Sally s'oublie les yeux clos
Se laisser aller dans cette danse
C'est comme sortir de son enclot
Puis un chien sous le crachin traînant une dame
Au pas de course, ils semblent poursuivis
Quand un homme à l'allure infâme
Apparait moins en colère que sans vie

Visage, Sally les dévisage avec un sourire
La dame crie, je n'avais plus de sac à crotte
L'homme regarde sa semelle gauche dans un rire
Puis sort des clés de la poche de sa redingote
La dame est stupéfaite, penaude, confuse
L'homme, comme le chien, doucement se détend
Prenant ses clefs, la dame encore s'excuse
L'homme est heureux et toujours hâletant

Hambourg en octobre, un vendredi soir ordinaire
Le pochard n'est plus, il est dégrisé
Sally s'est séparée d'avec son lampadaire
Les deux ne cessent de s'observer comme médusés
Pas un mot,
Leurs mains, l'un à l'autre les attirent
Pas un mot
Sally danse sur le pont des soupirs